Ses yeux couraient sur ses mains. Elles n'étaient pas encore celles d'un homme et pourtant, il avait l'impression d'avoir franchi une ligne que même certains adultes craignaient. Ses paupières se baissèrent lentement. Du regret, Edwin en avait éprouvé pas une once. Pensivement, le jeune homme massa sa paume de main avec son pouce. Dans ses doigts, demeurait encore la sensation des coups portés. Leur force. Leur détermination. Pas une seule fois, l'hésitation était venue perturbée son esprit. Et même en ce lendemain plus paisible, rien ne vacillait en lui. Bien au contraire, ses actions n'avaient été que guidées par la justice et sa conviction d'avoir agi pour le mieux n'en était que renforcer.

Doucement, son corps quitta l'un des fauteuils confortables trônant dans le salon familial. Le souvenir de ses parents dont le brusque affolement avait laissé place à un calme rassuré lui revint en mémoire. Oh, il n'avait pas échappé à un sermon pour avoir erré où il ne fallait. Une punition avait même ponctué la longue tirade paternelle. Ce qui lui valait d'être, aujourd'hui, coincé entre quatre murs au lieu de battre le pavé de la Capitale. De flâner dans les rues de Saint Dietrich en reniflant le parfum des altercations. De vagabonder à proximité des maisons closes, avec le fol espoir, d'apercevoir une de ses personnes bien pensantes ressortant après avoir taquiné l'abricot d'une des filles de joie. Il y avait tellement mieux à faire que de tourner en rond dans cette insipide demeure.

D'un coup, une domestique apparut dans la pièce, un jeune homme muni d'un sac sur ses épaules, à ses côtés. Un sourire étira les lèvres d'Edwin alors qu'il congédiait la jeune femme. Sans attendre, en silence, les deux garçons filèrent dans la chambre de l'étudiant. A peine arrivés, une exclamation brisa la quiétude des lieux.

― Putain, tu les as pas loupés hier ! Les autres gars étaient littéralement médusés de te voir avec du sang et t'aurais vu ton expre-
― C'était que de la vermine. Ça en fait un peu moins.

La phrase claqua dans l'air. Néanmoins, la situation lui plaisait. Devant les yeux de ses confrères, il avait prouvé sa force. A l'heure même, peut-être, que son acte se circulait probablement, à mot couvert, sur toutes les lèvres des autres étudiants. Un rictus mauvais joua sur ses lèvres à cette pensée. Edwin voulait être encore plus fort. Être craint et respecté, comme seuls, les prédateurs l'étaient. D'un pas lent, il s'approcha de la fenêtre de sa chambre et l'ouvrit avec précaution.

― Tu as emmené le matériel ?

L'autre opina du chef. Edwin s'écarta et laissa son ami installer ce qui leur permettrait de fuir, bien avant que les domestiques ne remarquent quoique ce soit. Durant ces quelques minutes, son expression avait changé. Une lueur malicieuse illuminait ses prunelles. Un discret sourire effilait ses lèvres. Non, il ne pouvait pas rester tranquille. Pas lui. Lorsque tout fut fin prêt, sa main s'abattit dans le dos de l'autre jeune homme, dans une tape amicale. N'attendant pas davantage, il attrapa son sac et s'échappa après son compère, par la corde solidement attachée. Les pieds sur la terre ferme, les deux garçons coururent dans la ruelle avant de déboucher à un croisement. Edwin se dirigea vers une femme, la trentaine, propre sur elle mais sa tenue dénonçait son gagne-pain. Elle offrit un sourire. Lui, indifférent, murmura à son oreille.

― Tu as les informations promises ?